ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa rupture cartésienne et la naissance
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Le De nostri temporis studiorum ratione (1708)3- La nouvelle science |
36- Galilée et Descartes |
Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
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alilée et Descartes ne se sont jamais rencontrés ; leurs perspectives étaient différentes, l’un recherchant la science, et l’autre la philosophie. Cependant, ils ne pouvaient s’ignorer totalement car, pour Galilée, la quête de la science s’inscrivait dans le cadre d’une préoccupation philosophique tandis que, pour Descartes, la philosophie tendait avant tout à résoudre le problème de la possibilité de la science. Aussi se sont-ils trouvés unis dans le même combat culturel. En fait, des échanges avaient eu lieu entre eux, essentiellement par l’intermédiaire de MMersenne, tout autant lié à la personne de Descartes qu’à la pensée de Galilée. Sur son initiative Descartes avait lu, peut-être à contrecœur, la dernière œuvre de Galilée ; celui-ci avait eu connaissance du Discours de la Méthode. La lettre que Descartes avait adressée à Mersenne, après la lecture des I discorsi intorno à due nuove scienze, est très importante pour notre recherche, car elle précise les points d’accord et de rupture avec le savant italien. Je ne m’attarderai pas sur les aspects psychologiques de cette lettre, qui en rendent la lecture fort pénible car ils nous montrent sous l’auteur un homme qui juge les autres en prenant sa propre pensée pour mesure. Descartes blâmait Galilée pour l’emploi de la forme dialoguée qui, à son avis, rompait l’enchaînement logique du discours. Cette forme aurait dû être évitée, puisqu’il s’agissait d’une œuvre scientifique. Sans doute cette critique était-elle motivée par son intransigeance à l’égard de toute rhétorique. Il pensait alors fermement que, pour se faire comprendre en matière de philosophie, on devait faire l’économie de toute œuvre de persuasion, pour ne se confier qu’à la conviction de la démonstration. Il a fait une critique plus radicale encore du contenu de l’œuvre galiléenne, dont il a remis en question la valeur scientifique, puisqu’elle serait dépourvue d’ordre et de fondement. Même si Descartes avait exprimé ce jugement dans une lettre qui ne prétendait pas à la publicité, et en tenant compte qu’il a fait du livre une lecture hâtive et incomplète, surtout à propos des preuves mathématiques, sa personnalité était telle qu’elle oblige à y prêter attention. Ces lignes, parvenues à un tel niveau, ne trouvent d’égales que la page de Bacon concernant le couple connaissance-puissance, et celle de Galilée sur l’intuition du langage mathématique. Elles montrent d’abord que le problème de la vérité se pose chez Descartes en termes de déduction a priori. Elles révèlent en outre le drame intérieur du philosophe, hanté par l’a priori et cependant contraint de connaître les essences de la matière a posteriori, comme par une divination (deviner). Sa stature de grand philosophe est mise en évidence par l’exploit qu’il voulut tenter en dépit de sa folie, de parvenir à une parfaite connaissance a priori du sujet des essences de la nature. Exploit d’une pensée titanesque, semblable à celle d’un héros. Le De Mundo a été médité dans cette fureur philosophique. Suffisamment lucide pour ne pas s’abandonner complètement à cette hantise, Descartes pensait cependant à la limite du raisonnable. En ne reconnaissant dans la sensation qu’une simple modification du sujet, il s’était senti autorisé à exclure de la conception de la nature toute forme qualitative, pour ne la définir que comme extension. Ainsi la matière ne serait que la quantité mathématique elle-même, les deux dimensions différant en ce que les mathématiques sont abstraites et la nature concrète. Toutes les formes déduites des principes mathématiques peuvent exister dans le monde physique, mais existent-elles vraiment ? Comment passer de la connaissance des phénomènes possibles à celle des phénomènes réellement existants ? Il n’y a pas d’autre voie que la méthode a posteriori. Dans le De Mundo, Descartes voulait expliquer les phénomènes de la nature à partir de son hypothèse de l’ordre fondamental, donc causal, de l’univers qu’il saisissait par ce procédé mathématico-linguistique. C’est pourquoi cette cause, tout en restant hypothétique, prétendait donner une connaissance déductive et scientifique dans les limites des possibilités consenties à l’homme. À la lumière de ces principes, la critique adressée par Descartes à l’œuvre de Galilée devenait claire. En effet, le savant florentin n’aurait pas recherché à l’avance les causes des phénomènes qu’il étudiait. Descartes estimait que cette absence était un manque d’ordre, c’est à dire de méthode, qui mettait en doute la valeur scientifique de la recherche galiléenne. En effet, si on ne recherche pas les causes, la méthode n’est pas déductive. Ne l’étant pas, elle n’est pas scientifique non plus, car son argumentation n’est qu’empirique et a posteriori. |
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t312360 : 21/08/2017