ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Le  De  nostri  temporis  studiorum  ratione  (1708)



6-  Le  vraisemblable  et  le  sens  commun






63- Le sens commun
et le vide dialectique



Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691





Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico



DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun
Des formes du style au
   vraisemblable
Le vraisemblable et le sens
  commun
Le sens commun et le vide
  dialectique

La négation du vraisemblable
  dans la méthode cartésienne
Les limites de la méthode
  cartésienne en face de la
  culture
La rupture cartésienne et la
  crise de l’humanisme

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


ette synthèse mérite d’être approfondie. Parlant des cartésiens, Vico a affirmé : « Puisqu’ils n’ont pas cultivé le sens commun, ils n’ont aussi ja­mais recherché le vraisemblable, se contentant seulement du vrai sans prendre en considération ce que les hommes en pensent universellement, et si ce vrai est aussi reconnu tel par eux. Or cela constitue la plus grave des fautes, ainsi que le plus grand préjudice, fatal pour ceux qui doivent diriger la vie, les individus, aussi bien que les princes et les rois » (16).

Vico ne s’est pas contenté de reconnaître l’exis­tence des jugements de valeur aux côtés de ceux de la vérité : il a aussi affirmé que, sans les pre­miers, ceux-ci seraient insuffisants pour la vie. Cette position est fort éloignée de celle d’Aristote, pour qui les jugements dialectiques étaient recon­nus en ce qu’ils étaient probables, c’est à dire pro­ches du critère de vérité des autres jugements. Vico semble s’être éloigné de tout critère de pro­babilité pour définir exclusivement ses jugements selon la cohérence de la conscience collective.
   Sans doute convient-il, avec Aubenque, de re­connaître à Aristote le mérite d’avoir fondé la dia­lectique. Mais il faut avouer que cette affirmation l’enfermait dans une impasse. Même si la dialec­tique s’appuyait plus sur les endoxa que sur le probable, elle n’était pas suffisamment fondée. Des problèmes se posaient sur la dialectique : con­cernait-elle seulement la chose, ou bien la parole ? Y avait-il de l’être dans les jugements dialecti­ques ? Cohérent avec son système, Aristote avait reconnu que le syllogisme dialectique était vide d’être (17). Situation tragique que celle d’hommes qui se rencontrent, parlent et critiquent à la limite de l’être !
    Aristote a voulu hériter de la culture sophiste sans pouvoir en accepter les présupposés méta­physiques, car pour lui le réel n’était que la « sub­stance » (ousia), ou en relation à la substan­ce, c’est à dire la « res » des latins, le « quid » des philosophes du Moyen-Âge, d’où la « quiddi­tas », ou essence. Ainsi le jugement n’était-il vala­ble que dans la mesure où il posait une affir­mation ou une négation de vérité. Les jugements dialec­tiques n’étaient valables que dans leurs chances de probabilité d’être conformes au juge­ment de vérité. Sans ce caractère de probabilité, c’étaient des mots vides, n’affirmant rien et ne portant en eux-mêmes aucune correspondance de l’être.

Cet aspect négatif de la théorie aristotélicienne permet de comprendre la contribution de Thomas d’Aquin, pour qui les jugements dialectiques ne tombaient pas dans le vide, mais se rapportaient tous à leur objet, créé par une intention aussi vraie que celle de la raison. Cependant, chez Saint Tho­mas, il y a aussi motif de penser que le « sens commun » est resté en marge du système ; en effet, en morale et en politique, Thomas d’Aquin s’est référé non à la « ratio particularis », mais à la « ratio universalis » pratique. S’il avait appro­fondi le « sens commun », il est possible que l’hu­manisme eût eu son fondement philosophique avant de naître comme mouvement culturel.

Ce mérite revient à Vico qui, seul, a porté sur le « sens commun » un regard profond, y décou­vrant la source de tous les jugements de valeur, les fondements de l’art et de l’histoire, de la vie morale et civile. C’est un moment très important de l’histoire de la philosophie, où est découverte la valeur ontologique du concret.
   Désormais, l’être n’était plus saisissable seule­ment par des relations abstraites. Ineffable dans une vision universelle de l’être, l’individu s’ou­vrait comme un fruit mûr à la saisie de la seconde in­tentionnalité de l’esprit. Ainsi l’homme s’oc­cu­pait-il de l’être et du « un », du vrai et du bien, mais aussi du besoin et du plaisir, de la souffrance et de l’amour, de la cité et de l’État, du naître et du mourir des individus comme des nations. Mais d’où provient cette découverte ? Comment expli­quer cette recherche des fondements de l’huma­nisme au moment même où celui-ci n’était plus qu’un souvenir ? Ce sera grâce à Descartes qui, par la négation du vraisemblable, avait hanté le siècle, lui présentant l’utopie d’une civilisation sans rhétorique.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t312630 : 14/09/2017