ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisChronique de Marie-MadeleineRoman |
Chapitre 13 - Béthanie : |
Présentation Texte intégral : La rencontre d’amour Les disciples du Royaume Le banquet des noces Itinéraire d’un bâtard Le défi La fugue Sur le pont du bateau Chemins d’amour Dalmanutha Transfiguration et insurrection La Dédicace Correspondances Béthanie - Le second amour - Sous le signe de Jonas - Pâque - L’onction - Le baiser - Adieu Gethsémani Le procès Golgotha L’enterrement Le jour de la Pâque Le tombeau vide Les semeurs |
es disciples étaient toujours assis, dans l’attente de l’acte de Jésus qui aurait donné un sens nouveau à notre mariage, quand Judas s’est levé. Quelques disciples ont fait de même. J’ai regardé du coin de l’œil Salomé et Jeanne, qui avaient compris leur état d’âme : ils supportaient très mal la révélation du secret. Peu leur importait que Jésus ait ou non un enfant, mais ils étaient agacés que cet enfant occupât le cœur de la nouvelle signification de la Pâque. De plus, même s’ils n’approuvaient pas Judas, ses interventions les avaient affectés. De retour dans la salle, je me suis agenouillée et me suis mise à oindre les pieds de Jésus. Je ne voulais pas pleurer comme la première fois : je n’étais plus la jeune fille amoureuse, mais la fille des nations devenue l’épouse de Dieu. J’étais sur le point de terminer, quand ma main rencontra sur la cheville la marque laissée par la chaîne dont on l’avait chargé pour le mener au cachot. Je revis Jésus tel que Céphas l’avait décrit : les pieds liés, tiré par les sbires, avec une corde nouée au cou comme une bête de somme. Je ne pus retenir les larmes qui inondèrent mes joues. Je frottai ses pieds avec plus de fébrilité, m’imaginant effacer la cicatrice, et les essuyai de mes cheveux. Je me suis demandée si le cou portait aussi la marque de la corde et, m’étant relevée, je l’ai caressé de ma main embaumée... et j’ai senti la trace sur sa peau. Mes larmes se sont brusquement taries et mon regard durci s’est porté alentour : « On a traité mon Maître comme une bête de somme, comme un âne sauvage, et vous vous êtes enfuis... » Je ne pouvais distinguer clairement les disciples car les traits de Jésus, qui m’apparaissaient flétris, outragés, ensanglantés, emplissaient mon esprit. Je restais devant lui, yeux fermés, bouche entrouverte, espérant le baiser d’époux qui effacerait cette image et adoucirait la brûlure de mes yeux. Je désirais ardemment le voir tel qu’il était : beau, fort, courageux, dans l’éclat de l’homme des origines, mais en vain ! Des chuchotements, des exclamations d’étonnement, me sont parvenus, et surtout la voix de Judas : « C’en est trop, tu passes les bornes de la décence ! C’est ça, la Pâque nouvelle ? La femelle qui est en toi a rabaissé le prophète à ce niveau dégradant que tout homme cache, par pudeur, au regard d’autrui ? Je ne suis même pas fier d’avoir gagné mon pari, car ce succès me couvre de honte. Tu avais de l’argent pour ton plaisir, mais tu n’en avais plus pour les pauvres et pour tes frères ! » Ces accusations me firent l’effet d’une gifle : l’amoureux éconduit me crachait à la figure, sa convoitise frustrée se vengeait sur mon honneur. Bien que meurtrie, j’aurais eu la force de lui répondre, mais l’image de mon époux hantait mon esprit : je voulais ressentir les mêmes outrages que lors de son jugement, être conspuée, giflée, devenir comme lui un objet de mépris et de dérision. Ah non ! Le baume n’effacerait pas les traces de son martyre, elles devaient s’incruster dans ma propre chair. Je me suis retirée dans un coin, comme une bête blessée.
Dans un lourd silence, Jésus s’est levé, a jeté un regard sur les disciples, puis a fixé Judas : Judas est sorti sans nous saluer. Une fois dehors, il s’est mis à courir comme une ombre poursuivie par la lumière. La nuit était maintenant tombée. |
t321350 : 09/10/2020