Présentation
Texte intégral :
La rencontre d’amour
Les disciples du Royaume
Le banquet des noces
Itinéraire d’un bâtard
Le défi
La fugue
Sur le pont du bateau
Chemins d’amour
Dalmanutha
Transfiguration et insurrection
La Dédicace
Correspondances
Béthanie
- Le second amour
- Sous le signe de Jonas
- Pâque
- L’onction
- Le baiser
- Adieu
Gethsémani
Le procès
Golgotha
L’enterrement
Le jour de la Pâque
Le tombeau vide
Les semeurs
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l est tard, nous a dit Jésus, et je dois me réfugier dans l’oliveraie. Il nous a semblé plus prudent, à Simon et à moi, que je ne passe pas la nuit dans la maison, car il est fort probable que quelqu’un ait dénoncé ma cachette aux autorités. L’oliveraie me permettra de m’échapper, s’il le faut. Demain à l’aube, après le chant du coq, des amis viendront me chercher. Quant à Maria, il est préférable qu’elle reste ici et qu’elle se tienne prête au deuxième chant du coq, car je viendrai la prendre avec nos compagnons de voyage. Il est temps maintenant que je vous dise adieu !
- Pourquoi « adieu », Maître, ne pouvons-nous pas venir avec toi ? Ce que nous venons d’éprouver atteste que nous sommes, nous aussi, appelés à la mission auprès des nations. Dieu nous fait acteurs de la même parabole d’amour.
- Certes, Céphas ! Mais, pour l’heure, vous ne pouvez pas me suivre : ce serait dangereux, et de plus vous n’êtes pas prêts. Vous viendrez plus tard, lorsque je vous aurai préparé la place. Retournez en Galilée, reprenez votre ancien travail et attendez les signes de Dieu. Ce moment, je le sais, est très douloureux pour tous, surtout après que l’amour nous ait comblés de joie. Nous allons tous vers l’aube d’un temps nouveau, mais il faut d’abord passer la nuit. Bien que l’attente du lendemain me réjouisse, la séparation me trouble. Oui, je dois vous dire adieu, à vous, mais aussi aux pauvres, aux malades, à tous les affligés qui attendent le royaume de Dieu, aux filles et aux enfants d’Israël.
« En ce moment, il me semble vivre la Pâque comme une fuite, avec la même anxiété que nos pères quittant l’Égypte. Ce pays où je suis né et dans lequel j’ai travaillé, lutté, aimé et souffert, est devenu pour moi une terre de servitude, comme l’Égypte pour nos pères. Je ne contemplerai plus ces étoiles vers lesquelles la nuit j’élevais mes regards, je ne boirai plus aux sources de Jacob, le chant des filles d’Israël n’égaiera plus mon cœur dans la solitude ; je traverserai peut-être la grande mer, mais je ne verrai plus mon lac qui m’unissait aux villes de Galilée.
« Heureusement, Maria, tu seras à mes côtés ; je verrai dans tes yeux la clarté de ces étoiles, je sentirai dans ton cœur le battement des ondes de mon lac ; je m’approcherai de ton corps comme du jardin que Dieu offre au monde. Et vous aussi, frères, vous êtes tous dans mon cœur, car votre baiser m’a consacré comme votre ami, votre frère, votre mère et votre père, votre époux. Adieu, je vais vous ouvrir le chemin d’une nouvelle terre promise, le monde des nations. Nous sommes au seuil de la Pâque ; demain, dans cette terre promise, nous célébrerons le repos, le sabbat de cette même Pâque.
ADIEU
C’est déjà l’heure de vous dire adieu,
Frères à qui j’ai livré le message
De la venue du royaume de Dieu.
Quelle détresse sur votre visage !
Que votre esprit s’apaise et se console,
Car je m’en vais fêter mon mariage.
Je pars pour accomplir la parabole
De la divine bénédiction
À l’homme qui s’attriste et se désole.
Jadis privés de consolation,
Les peuples jouiront de la richesse
Promise lors de la création.
Vous, épris de savoir et de sagesse,
Hommes, cherchez dans les pensées du
[cœur
La source intarissable de noblesse.
Que vaudrait-il de devenir seigneur
Quand on est sourd à l’appel de l’amour
Qui seul nous conduira au vrai bonheur ?
J’annoncerai aux hommes le retour
Du souffle qu’en leur bouche l’Éternel
A insufflé en les donnant au jour.
Adieu, ô fils et filles d’Israël :
Je dois partir, mais certes nous serons
Encore ensemble au repas solennel
De la Pâque promise aux nations.
Jésus avait commencé à nous saluer l’un après l’autre, quand Céphas lui demanda :
- Pourquoi nous salues-tu alors que tu ne partiras que demain ? Comment pourrions-nous dormir, te sachant dans le bois et risquant d’être pourchassé ? Permets-nous de venir avec toi dans l’oliveraie. Nous veillerons et pourrons t’alerter à tout signe de danger et, en cas d’agression, accourir à ta défense : nous avons des bâtons et même quelques épées. Si nous avons été lâches le jour de la Dédicace, aujourd’hui, après l’expérience de la nouvelle Pâque, nous nous sentons courageux et décidés !
- Aurais-tu apporté ton épée parce que tu n’as pas peur, Céphas ? Je crains que si les gendarmes viennent, tu sois si affolé que ton épée te soit inutile et même dangereuse. Si vous voulez venir avec moi et veiller pendant la nuit, je ne peux pas vous en empêcher, mais votre rôle ne sera que de veiller. Quand vous serez arrivés, je vous dirai ce que vous devrez faire. Préparez-vous donc.
« Mère, voilà... Ton fils s’en va... Et il l’a embrassée.
« Pour moi aussi, sœurs, il est triste de vous quitter. Je suis désolé aussi parce que je vous prive de Maria. Mais nous nous reverrons, je l’espère. Je garde dans les yeux la lumière de ta lampe, Jeanne ; ton chant résonnera toujours dans mon cœur, Salomé. Ses yeux étaient baignés de larmes.
« Au revoir, Maria, à demain matin à l’aube ! Et il a voulu m’embrasser.
- Pourquoi m’embrasses-tu, Rabboni ? Je veux venir avec toi, moi aussi !
- Non, Maria, c’est l’époux qui doit venir prendre son épouse à la maison, pour qu’elle soit ensuite toujours avec lui. Tu resteras ici jusqu’à l’aube.
- Je comprends, Rabboni. Mon cœur veillera auprès de toi, même si le sommeil assoupit mes yeux. Mais ne m’embrasse pas, tu ne t’éloignes pas de moi.
Je l’ai suivi du regard, tandis qu’il s’acheminait avec les disciples : il a bientôt disparu dans le noir. J’ai alors senti que l’obscurité créait une grande distance entre lui et moi et, languissante, je me suis adressée à la nuit :
Ô nuit,
je ne peux confier qu’à toi
celui que mon cœur aime.
Que les arbres le couvrent de leur cheve-
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