ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Le roman inachevé d’un utopiste





La crise
(juin 1967 – juin 1968)


Sommaire

Prologue

Introduction

Clermont-l’Hérault

Saint-Quentin

Bruay-en-Artois

Tourcoing

La crise
- Introduction
- Changer...
- Les Centres régionaux
- Le Centre du Nord
- Faire front
- Aux limites
- Double jeu
- Visite d’Albert Gaillard
- Interventions en soutien
- La réunion de Palaiseau
- Le synode de Royan
- La dernière proposition
- Contrepoint

Épilogue




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Double jeu


   La lettre (1) du groupe de recherche biblique du vingt-sept mars 1967 au président du Conseil régional du Nord et la requête du vingt-quatre avril de la même année aux autorités régionales et nationales de l’Église réformée de France, d’une équipe mixte de protestants et de sympathisants souhaitant le maintien d’une expérience de type Keller (2) étaient demeurées jusqu’alors sans réponse, ce qui n’avait pas été sans surprendre et même offenser ces amis.

   Enfin, le vingt-huit septembre 1967, Monsieur Louis Perret, initiateur de ces démarches, recevait du pasteur Paul Lew cette lettre qui ne manquait pas de sel !

   « Cher Monsieur,
   Cela fait déjà longtemps que vous m’avez écrit en même temps qu’à Monsieur Gaillard, Secrétaire général de l’Église réformée de France, pour me faire connaître l’angoisse des groupes de rencontre de Tourcoing devant la perspective du départ de Monsieur Curie et de la fermeture, pour des raisons que vous connaissez et qui ont été exposées au synode d’Hargicourt, du poste de Tourcoing.
   Depuis le mois d’avril, d’innombrables démarches ont été faites pour permettre à Monsieur Curie de trouver dans le cadre de l’Église réformée de France un poste correspondant à ses dons et aux orientations de son ministère. En même temps, au niveau régional, la préoccupation de l’avenir des groupes de Tourcoing était vive et nous espérions que le maintien du Centre régional en activité permettrait d’une manière ou d’une autre la relève de s’opérer, au cas où Monsieur Curie quitterait la région.
   Hélas, alors que nous avions de tous côtés forgé de grands espoirs pour une solution qui permettrait à Monsieur Curie de continuer à participer aux groupes de recherche de Tourcoing et d’exercer un ministère lui convenant, il nous a fallu ces jours derniers enregistrer l’échec de ce projet.
   Pour l’instant, Monsieur Curie est maintenu à Tourcoing et toutes les mesures ont été prises pour que sa situation matérielle ne soit modifiée en rien. Je ne saurai vous dire combien j’ai été ému par le geste d’amicale solidarité des groupes tourquennois prenant à leur charge le chauffage de son presby­tère.
   Il va sans dire que tout ce qui est possible continue à être fait pour que cette situation moralement et psychiquement si dure pour Monsieur et Madame Curie dure le moins possible et qu’ils puissent, au plus tôt, trouver un champ de travail où ils connaîtront la joie.
   Veuillez agréer je vous prie, cher Monsieur, l’expression de mes respectueux sentiments ».

   Cette réponse, particulièrement habile, fut reçue comme l’expression d’un double jeu de la part du Conseil régional du Nord et de son président, parce qu’elle évitait d’aborder franchement et clairement la question qui leur avait été posée : soutenir l’expérience de Tourcoing avec les moyens moraux et matériels d’y maintenir la présence et l’action de celui qui en avait eu l’initiative, dès le début, quatre ans auparavant.
   Réponse rapide et contournée car, en rappelant la décision du synode d’Hargicourt de fermer le poste de Tourcoing pour des raisons financières, elle présupposait acquis en même temps mon départ, tout en insistant sans fournir aucune précision sur les « efforts persévérants » des autorités de l’Église réformée pour me trouver « un poste correspondant à (mes) dons et aux orientations de (mon) minis­tère ». Ce qui était une affirmation excessive, car hormis le projet de Pantin, les deux seules propo­si­tions qui me furent présentées furent une aumônerie protestante dans le cadre ultra-bourgeois du Collège de Normandie, et celle de m’expatrier à Alger !
   Mais aussi quelle semble avoir été la « déception » du président du Conseil régional d’avoir eu « ces derniers jours à enregistrer l’échec du projet » de Pantin qui devait me permettre « d’exercer un ministère me convenant » en poursuivant dans le même temps l’œuvre entreprise à Tourcoing !
   Réponse habile et contournée qui prétendait aussi (ce qui était une contre-vérité) « qu’au niveau du Conseil régional la préoccupation des groupes de Tourcoing était vive », et que « le maintien du Centre régional en activité permettrait d’une manière ou d’une autre la relève de s’opérer au cas où Monsieur Curie quitterait la région ». Or, après mon départ de Tourcoing, il y eut certes quelque temps au cours de l’année 1968-1969 une tentative de prolonger par quelques rencontres animées par le pasteur Ennio Floris (3) dans le cadre du Centre régional, l’existence du groupe de recherche biblique autour des thèmes du Livre de Jonas. Mais dès que le directeur du Centre du Nord eût connu la même mésaventure et quitté son poste en juin 1969, personne ne reprit le flambeau, et ce groupe, comme les autres, dut cesser son activité. D’autre part, il était alors de notoriété publique que le départ du pasteur Floris et la fin du Centre régional dans son orientation de l’époque étaient vivement souhaités, envisagés et attendus par les autorités régionales.
   Réponse habile et contournée, enfin, car elle cherchait à ménager la sensibilité des auteurs tourquennois de la démarche, en rappelant leur souci légitime à l’égard de l’œuvre entreprise (« l’angois­se des groupes de rencontre de Tourcoing ») et leur générosité à l’égard de son initiateur (« combien j’ai été ému par le geste d’amicale solidarité des groupes tourquennois », et aussi faire tout « pour que cette situation moralement et psychiquement si dure pour Monsieur et Madame Curie ».

   Réponse dilatoire bien tardive, qui n’engageait en rien les autorités régionales ni leur président, et même réponse qui, sous l’onction d’une courtoisie recherchée, ne pouvait être reçue que comme une fin de non-recevoir !

______________

(1) Voir le texte de la lettre.   Retour au texte

(2) Voir un résumé du rapport Keller à l’assemblée générale du protestantisme français de Colmar, en 1966.   Retour au texte

(3) Voir une brêve biographie d’Ennio Floris par Jacques Lochard (1986), l’autobiographie d’Ennio Floris (2012), et son autobiografia (2005).      Retour au texte



1992




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tc440600 : 02/08/2019