Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
INTRODUCTION
LES DISCOURS
Vico orateur
La connaissance de soi et la divinité de l'homme
Conscience éthique et conscience historique
La morale des intellectuels
La politique du pouvoir et la politique de l'autorité
. De l'éthique à la politique
. La classe dirigeante
. La Patrie, fondement de l'unité de la culture
. L'utile et l'honnête
. Hobbes, Machiavel et la politique du pouvoir
. Cognation et agnation : première rencontre de Vico avec Grotius
. Idéalisme et réalisme vichiens
Le droit de la guerre et la sagesse du Droit
La corruption de la nature et la méthode des études
La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico
DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE
Vue d'ensemble
La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique
La nouvelle science
La controverse des langues
Langue et méthode
Le vraisemblable et le sens commun
Le « cogito » cartésien et l'interrogation vichienne du doute
Logique analytique et logique synthétique
Métaphysique et mathématiques
DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE
BIBLIOGRAPHIE
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.-B. Vico n’avait pas eu de véritable expérience scolaire. Inscrit à l’Université, il ne l’avait pas fréquentée. En professeur, il avait eu l’occasion de la connaître, contraint de vivre au rythme des étudiants. Il en avait reçu une impression inoubliable. « Que de fois je vois – et je les vois encore tous les jours – les adolescents, plus portés par leur âge tendre aux divertissements et aux jeux qu’au travail, venir écouter les maîtres très tôt le matin, mouillés, glacés et frémissants de froid. Et cependant, ayant renoncé à la sérénité de la nuit, ils l’ont passée en veillée dans de longues méditations » (4).
Il comprit alors tout le sacrifice que les jeunes devaient supporter pour parvenir à « rassembler l’esprit des sens » (revocare mentem a sensibus) ; il comprit aussi la violence exercée sur eux par la discipline scolaire qui se voulait, pourtant, pour leur bien. L’école les obligeait, en effet, à faire « abdication » de leurs sens qui sont, néanmoins, les « guides les plus fidèles de leur vie ». Mais s’ils voulaient parvenir à ce niveau d’abstraction que « la vérité exige », ils devaient aussi « aveugler » leur imagination. Lorsque, parvenus à la philosophie, ils cherchaient à entrer dans le domaine de la foi, ils devaient être contraints de se priver de l’unique œil de l’esprit, la raison, pour pénétrer les mystères de Dieu.
Cette description dissimule une souffrance que l’allure du style ne parvient pas à exprimer. Vico n’avait pas l’intention de pousser les élèves à la révolte. Il se contenait, remettant avec une volonté bien arrêtée ses réactions pour une autre occasion. Par contre, il dévoilait ainsi l’injustice sociale et la déficience méthodologique qui devait justifier sa réforme scolaire. Pour l’heure, il se contentait d’y faire allusion pour convaincre les élèves de la nécessité des efforts exigés par leurs études. Il avait conscience que celles-ci devaient faire de ces jeunes les futurs responsables de la société.
Il convient, en effet, de se référer à la situation politique du Royaume de Naples. Après d’autres historiens, Croce a souligné qu’à la différence d’autres États où la fonction politique était exercée par la noblesse, celle-ci était privée de tout pouvoir à Naples. Exclusivement limitée à l’activité militaire, en temps de paix elle ne servait que d’apparat, appauvrie par son faste. D’autre part leur ignorance rendait les nobles incapables d’exercer des fonctions économiques et sociales. Le rôle de la classe dirigeante était par contre tenu par les intellectuels, issus du peuple pour la plupart d’entre eux (5).
Lorsque J.-B. Vico exhortait les élèves, il avait véritablement conscience de s’adresser à la future classe dirigeante du pays. Il voulait que les jeunes prennent au sérieux leurs études, en dépit de l’injustice du statut scolaire. Il paraissait insister sur leurs souffrances, afin de les engager davantage, car le but de leurs efforts n’était pas seulement l’humanitas des lettres, mais le fait d’accéder à la république.
La problématique qu’il exprimait dans sa thèse cherchait à opposer honnêteté et utilité des études ce qui était, sans doute, la manière classique d’aborder le problème selon la tradition commune à la dispute des arts. Mais si l’énoncé était commun, le problème posé, compte tenu du contexte historique, était nouveau. Pour bien souligner cette nouveauté, il ne se contentait pas d'affirmer que l’honnêteté des études ne s’opposait pas à leur utilité, mais qu’elles seraient d’autant plus utiles à la république qu’elles seraient honnêtes.
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