Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
INTRODUCTION
LES DISCOURS
Vico orateur
La connaissance de soi et la divinité de l’homme
Conscience éthique et conscience historique
La morale des intellectuels
La politique du pouvoir et la politique de l’autorité
. De l’éthique à la politique
. La classe dirigeante
. La Patrie, fondement de l’unité de la culture
. L’utile et l’honnête
. Hobbes, Machiavel et la politique du pouvoir
. Cognation et agnation : première rencontre de Vico avec Grotius
. Idéalisme et réalisme vichiens
Le droit de la guerre et la sagesse du Droit
La corruption de la nature et la méthode des études
La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico
DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE
Vue d’ensemble
La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique
La nouvelle science
La controverse des langues
Langue et méthode
Le vraisemblable et le sens commun
Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute
Logique analytique et logique synthétique
Métaphysique et mathématiques
DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE
BIBLIOGRAPHIE
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es humanistes s’étaient interrogés sur l’utile et l’honnête, se demandant si les sciences et les arts devaient être recherchés pour eux-mêmes, ou bien pour l’utilité qu’ils procurent. J.-B. Vico évita cette façon abstraite de poser le problème. À partir de la notion de patrie, il voyait dans toute discipline une possibilité de service (officium) d’utilité publique, mettant ainsi l’accent sur la nature concrète et historique des disciplines, plutôt que sur leur nature idéale. Tout service honnête étant défini par sa propre utilité, l’honnêteté des sciences et des arts est alors constituée par leur utilité sociale.
L’opposition entre l’honnête et l’utile se repose au niveau politique, où tout est soumis à la volonté du prince. Comment les sciences et les disciplines pourront-elles être honnêtes si leur utilisation peut être détournée de leur propre finalité sociale ? La réponse à cette interrogation suppose la résolution d’un autre problème plus fondamental concernant le pouvoir politique lui-même. La conclusion sera différente si le service est défini comme un simple instrument de pouvoir politique ou comme le fondement qui le justifie et l’authentifie.
J.-B. Vico s’est alors demandé s’il convenait de rechercher l’autorité politique pour les honneurs ou pour la dignité. À première vue, la question semble confuse. Soulignons tout d’abord que Vico parle de politique en termes d’autorité et non de pouvoir. Le pouvoir est défini par la notion d’honneur, l’autorité par celle de dignité. En effet, l’honneur désigne la reconnaissance d’un pouvoir exercé par celui qui le donne sur celui qui le reçoit ; la dignité, par contre, désigne le mérite de la vertu.
L’interrogation devenait ainsi claire. Vico se demandait si l’autorité politique doit se fonder sur le pouvoir ou sur la vertu, sur la volonté de domination des autres ou sur la volonté de service de la communauté. Cette alternative posait le fondement de deux politiques : celle du service et celle de la force, de l’autorité et du pouvoir ; en un mot, la bonne politique et la politique perverse.
Suit la bonne politique, celui qui parvient à l’exercice du pouvoir en traversant les degrés successifs de la dignitas : du consilium à l’officium, de l’officium à la vertu, de la vertu à la louange, de la louange à l’autorité, de l’autorité à l’honneur (9).
Le consilium est constitué par les représentants de la culture, auxquels revient la division des offices ou des tâches sociales. Pour le conseil, la conscience culturelle de la cité devient sujet juridique. L’officium met à l’épreuve la valeur des personnes qui seront jugées selon leur vertu, c’est à dire l’utilité publique de leur service. De la vertu naît l’opinion, ou renommée, qui se traduit ensuite en louange de reconnaissance de la part du peuple. Cette reconnaissance constituera la raison légitimant l’autorité, de même que l’autorité légitimement acquise justifiera l’exercice du pouvoir et les honneurs rendus.
La politique perverse suit un cheminement inverse, car ce qui était terme de la bonne politique – l’honneur – devient le commencement de celle-là (10) : politique sans principes, articulée empiriquement sur le jeu de l’opportunité et du profit. Le prince se montrera toujours prêt au changement, souple et rusé plutôt que sage, cherchant moins l’être que l’apparaître. Puisque l’honneur constitue ici le plus haut degré, la dignité ne coïncide plus avec les valeurs humaines, mais avec l’exercice du pouvoir lui-même.
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