Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
INTRODUCTION
LES DISCOURS
Vico orateur
La connaissance de soi et la divinité de l'homme
Conscience éthique et conscience historique
La morale des intellectuels
La politique du pouvoir et la politique de l'autorité
. De l'éthique à la politique
. La classe dirigeante
. La Patrie, fondement de l'unité de la culture
. L'utile et l'honnête
. Hobbes, Machiavel et la politique du pouvoir
. Cognation et agnation : première rencontre de Vico avec Grotius
. Idéalisme et réalisme vichiens
Le droit de la guerre et la sagesse du Droit
La corruption de la nature et la méthode des études
La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico
DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE
Vue d'ensemble
La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique
La nouvelle science
La controverse des langues
Langue et méthode
Le vraisemblable et le sens commun
Le « cogito » cartésien et l'interrogation vichienne du doute
Logique analytique et logique synthétique
Métaphysique et mathématiques
DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE
BIBLIOGRAPHIE
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ien que les études, par leur objet, soient désintéressées en elles-mêmes, elles ne pourraient pas être accomplies si les hommes n’étaient pas liés par des rapports nécessaires d’utilité. J.-B. Vico recherchera ces relations au niveau d’une infrastructure qui supporte le domaine social et politique, qu’il appelle patrie, c’est à dire une « parenté civile » (civilis agnatio) qui, plaçant les hommes les uns par rapport aux autres, les situe dans des relations concrètes et spécifiques – en d’autres termes, le conditionnement historico-culturel qui leur a permis de naître, d’avoir une liberté, une possibilité de communication dans une culture déterminée (érudition).
Dans le mot de patrie, il sousentendait trois entités : la gens italienne, l’urbs napolitaine et la natio espagnole. Il se référait à la gens pour se rapporter exclusivement à la principauté de religion que les peuples catholiques exerçaient au moyen de la papauté (6). Loin de s’opposer au pouvoir papal, il l’intégrait dans l’histoire.
Il paraissait renoncer aussi à toute visée politique des États italiens, ne voyant en eux qu’une unité religieuse. Parallèlement à la principauté de religion, la nation espagnole exerçait la principauté politique (7).
Les Napolitains n’étaient pas définis uniquement par la religion et la politique, mais conservaient le domaine propre de la civitas. Leur appartenance à la cité les reliait aux temps les plus reculés de leur propre civilisation, jusqu’aux héros fondateurs de l’urbs napolitaine (8). Description sans doute imagée, mais suffisante pour souligner l’importance que la cité revêtait vis-à-vis de la religion et de la politique.
J.-B. Vico était sans doute un conservateur qui préférait l’évolution à la révolution, trop historien et trop concret pour pousser les jeunes à une libération politique du pays. Il est cependant parvenu à équilibrer les deux forces de domination (la religion et la politique) en les unissant dans la cité, qui n’est pas seulement un lieu géographique et sociologique, mais la conscience sociale par laquelle les hommes deviennent sujets historiques de culture.
Même si les Napolitains ne parvenaient pas à accéder au pouvoir politique et s’ils demeuraient soumis à la religion de Rome, ils n’en possédaient pas moins leur personnalité propre. Ils ne se laissaient pas gouverner passivement, puisque l’autorité politique était conditionnée par la culture. L’État ne paraissait donc pas ainsi limité à l’exercice du pouvoir politique, mais équilibré entre trois consciences sociales : religieuse, civile et politique. J.-B. Vico exhortait ainsi les jeunes, non à devenir servants de la politique espagnole, mais à être des hommes motivés par leur propre culture.
Cette notion de parenté civile modifie en la développant la notion de nature, par laquelle Vico avait interprété la thèse de Pic de la Mirandole. Appelée nature, cette situation de liberté par laquelle le philosophe humaniste avait défini l’homme l’éloignait des perspectives existentialistes de celui-ci. Dans la notion de parenté civile, l’écart semble s’accentuer, dans la mesure où cette nature idéale n’existe alors que dans le cadre d’une nature historique, qui la détermine dans le temps.
Toutefois cette notion, située entre l’idéalisme platonicien humaniste et le positivisme historique qui venait de naître, lui était grandement utile, parce que la patrie était le point où l'idéal rejoignait le réel, et dans lequel les hommes étaient cernés dans leur concret, sans être cependant détachés d’une nature idéale commune. Il pouvait aussi rester fidèle au principe de l’humanitas et aux exigences de la nouvelle science historico-politique. Dans la notion de patrie, le droit de l’homme n'était plus déterminé uniquement par la politique, mais aussi par la nature humaine (les impératifs de la sagesse et de la liberté), cause déterminante du droit et de la politique.
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