acon fonde son encyclopédie sur une tripartition au niveau des facultés : la mémoire, la fantaisie et la raison. De la mémoire germe l’histoire, qui se divise en histoire naturelle et en histoire civile. De la fantaisie surgit la poésie, qui est narrative ou héroïque, dramatique et parabolique. Sur la raison s’édifie la philosophie, qui se distingue en théologie naturelle, philosophie de la nature et philosophie de l’homme (11).
La pensée de Vico pourrait se résumer dans les deux schémas suivants : l’un, encyclopédique, fondé sur la tripartition sermo, mens et animus ; l’autre, pédagogique, découlant de la mémoire, de l’imagination et de la prudence. Si nous plaçons ces deux schémas en confrontation avec le paradigme de Bacon, le second semble se rapprocher de lui autant que le premier s’en sépare.
Pourquoi Vico n’a-t-il pas suivi tout de suite son nouveau maître ? Il se peut que ce soit parce que le premier schéma concernait la fonction des sciences et non leur enseignement. Or l’objet des sciences est constitué par le réel, et non par les facultés ; c’est à dire, en histoire par les faits, en grammaire par la parole, dans la morale par l’action, dans la philosophie par la pensée. Ainsi sa trilogie sermo, mens et animus lui a semblé mieux se prêter à cette tâche. Mais au moment de rechercher une méthode pédagogique pour l’enseignement des arts et des sciences, il s’est rapproché de Bacon, d’autant plus que la classification par la mémoire, la fantaisie et la raison avait déjà été employée par la Renaissance. Vico a donc transposé la classification baconienne de la logique au niveau pédagogique.
Une nouvelle différence apparaît ici. Chez Bacon, les classes des sciences sont catégoriales, c’est à dire fixes, abstraites, propres à l’homme universel. Au contraire, chez Vico, les trois facultés deviennent des moments d’un processus psychique, du devenir homme en chaque individu. Il ne parvenait certes pas encore à une conception dialectique. Plus tard, lorsque, dans un regard analogique, il passera de l’évolution des individus à celle des peuples, il abandonnera son premier schéma pour chercher à saisir la méthode pédagogique dans le cadre d’un processus historique dialectique. Pour l’heure, il était parvenu à se frayer un chemin entre Bacon et Descartes ; il s’appuyait désormais sur le premier, qui lui ouvrait le chemin de l’induction, sans pour autant renoncer au second, dont la méthode trouvait une place digne dans sa pédagogie.