ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Le  De  nostri  temporis  studiorum  ratione  (1708)



8-  Logique  analytique  et  logique  synthétique






83- L’invention analytique
et l’invention topique



Magnum Dictionarium, de P. Danet, 1691





Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico



DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique
Méthode et logique
L’art de penser de Port Royal
  et la logique cartésienne
L’invention analytique et
  l’invention topique

Démarche pour une logique
  synthétique
La Topique comme logique
  d’invention
La Critique comme logique du
  jugement
La Méthode comme logique
  du discours

Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


’affirmation que la méthode analytique est une logique d’invention voulait transposer au niveau logique le but des règles cartésiennes visant à l’in­vestigation de la vérité, et d’autre part s’oppo­ser à la tradition des écoles reconnaissant l’ars inve­nien­di dans la topique. Cette tradition remon­tait à l’époque humaniste, où la logique avait subi une influence cicéronienne. Bien qu’Aristote ait été créateur de la topique et qu’il l’ait insérée dans l’Organon, il ne lui avait pas reconnu d’autre fonction que celle d’être le paradigme des « lieux communs » dans l’argumentation dialectique. Son rôle était donc parallèle à celui que les « catégo­ries » jouaient dans la logique analytique.
   Le traité des Topiques de Cicéron recherchait moins la définition des lieux que leur emploi pra­tique. Il avait été conçu pour répondre aux ques­tions posées dans la praxis oratoire, qui surgis­saient toujours de situations ambiguës et dans des tensions de conscience (26). Dans les litiges et les drames humains, le syllogisme devenait insuf­fi­sant, parce que les problèmes étaient toujours nou­veaux et qu’il résistait à toute réduction à des principes universels. L’orateur trouvait que le « terme moyen » recherché était toujours fuyant, échappant à la déduction comme à l’induction, parce qu’il était sans lieu, détaché des principes logiques, comme situé en deçà et au-delà des limi­tes de la documentation.
   Or la logique offrait ce « lieu » permettant de trouver les « termes moyens » selon la situation et la question. Ils étaient des échantillons de liaisons ou de combinaisons possibles, capables de repré­senter, par le jeu des similitudes, des rapports con­crets (27). Dans sa plus simple expression, le mécanisme topique consistait dans l’emploi suc­cessif des lieux en les adaptant selon les relations de similitude aux rapports concrets de la question. C’était un système de signes en fonction des ques­tions, que Cicéron lui-même assimilait au lan­ga­ge ; l’accent porté sur la fonction opératoire des lieux rendait originale la conception cicéronienne par rapport à la Topique d’Aristote (28).

Il serait cependant difficile de comprendre l’im­portance assumée par la topique si on ne tenait pas compte de la substitution dans le cicéronisme de l’ars cogitandi comme logique formelle par l’ars dicendi propre à l’éloquence. Ainsi la topi­que n’avait pas été reléguée aux frontières de la pen­sée, seulement valable pour l’argumentation dia­lectique contre les adversaires, mais elle avait été située au commencement du système logique de la parole, divisé en « topique » (ou « ars inve­niendi »), « dialectique » (ou « ars judicandi ») et « discours » (ou « ars disponendi ») (29).

Au cours de la Renaissance la logique formelle, d’origine aristotélicienne, et la logique rhétorique, de caractère cicéronien, furent reprises, l’une dans les écoles monastiques et les universités, l’autre principalement dans les milieux humanistes et lit­téraires. Mais, par suite de la disparition progres­sive de l’éloquence, la logique de la parole avait subi un fléchissement par rapport au schéma cicé­ronien. Tandis que Cicéron avait mis la topi­que en relation avec la dialectique pour les pro­blèmes judiciaires et politiques, dès la fin de la Renais­sance elle allait demeurer seule, tournée vers elle-même, sans autre fonction que l’inven­tion. Elle s’était surtout développée au cours de l’ère baro­que, devenant métaphore pure, première ébauche – comme nous le verrons au chapitre sur la poésie – de l’intuition esthétique.

Lorsque Nicole et Arnauld entreprirent le projet d’une logique cartésienne, ils constatèrent l’éclate­ment de la logique cicéronienne. Puisque la dialec­tique avait perdu toute son importance, la topique n’avait plus d’autre possibilité que de se refléter pour regarder, telle un nouveau Narcisse, ses pro­pres formes. À son tour, le discours était devenu le lieu de la « disposition » des formes produites par la topique. Renvoyant la dialectique au niveau de la rhétorique, Nicole et Arnauld se montrèrent habiles à s’approprier la « disposition », y décou­vrant une quatrième opération de la pensée.
   Ils ne virent dans la topique que des classifica­tions abstraites de liaison, utilisées dans le juge­ment du langage commun (30). Mais le fait même de ne les retrouver que dans les manuels était pour eux la preuve que ces classifications ne ser­vaient à autre chose qu’à se manifester dans leurs paradigmes. Ils en firent donc mention dans leur Logique pour en démontrer l’inutilité.

Arnauld a reconnu qu’en principe, avant de dis­poser la matière, il convenait de la trouver. Ce­pendant il a nié qu’il soit possible de la retrouver par l’emploi de ces lieux dont l’image n’aboutirait, de l’aveu même de Cicéron, qu’à l’abondance du discours. Or « rien n’étouffe plus les bonnes se­mences que l’abondance des mauvaises herbes ; rien ne rend un esprit plus stérile en pensées justes et solides que cette mauvaise fertilité de pensées communes. L’esprit s’accoutume à cette fertilité et ne fait plus d’efforts pour trouver des raisons propres, particulières et naturelles, qui ne se découvrent que dans la considération at­tentive du sujet » (31).
   Arnauld se découvrait ainsi solidaire de Des­cartes qui avait, avant lui, refusé cette méthode d’invention (32). Chez lui résonnait aussi la plainte de Pic de la Mirandole et d’Érasme contre le cicéronisme, mais peut-être retrouvait-on aussi le plaisir d’en constater la fin. Homme de culture il est demeuré, plus que Descartes, lié à Cicéron pour reconnaître dans les lieux une valeur para­digmatique, en correspondance avec les types de jonction en usage dans les argumentations couran­tes. Au contraire, il a voulu nier leur fonction d’in­vention, car « ce n’est point par cette méthode qu’on les trouve. La nature, la considération at­tentive du sujet, la connaissance des diverses vé­rités, la fait produire, ensuite l’art les rapporte à certains genres » (33).
   La topique resterait donc un art, mais de carac­tère abstrait, théorique, qui ne pourrait prétendre à exercer la fonction d’invention qui revient seule­ment à la méthode intuitive et déductive. Comme Descartes l’avait fait pour la logique, Arnauld a chassé la topique de la logique pour la confier à la rhétorique, dont le but est l’abondance du dis­cours.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t312830 : 23/09/2017