ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  rupture  cartésienne  et  la  naissance
d’une  philosophie  de  la  culture
dans  les  œuvres  juvéniles  de  J.-B.  Vico





Le  De  nostri  temporis  studiorum  ratione  (1708)



8-  Logique  analytique  et  logique  synthétique






87- La méthode
comme logique du discours



Lettere a Mons. Pietro Bembo, 1560





Profil biographique de Jean-Baptiste Vico


INTRODUCTION


LES DISCOURS

Vico orateur

La connaissance de soi et la divinité de l’homme

Conscience éthique et conscience historique

La morale des intellectuels

La politique du pouvoir et la politique de l’autorité

Le droit de la guerre et la sagesse du Droit

La corruption de la nature et la méthode des études

La rhétorique des Discours et le projet philosophique de J.-B. Vico



DE NOSTRI TEMPORIS STUDIORUM RATIONE

Vue d’ensemble

La controverse des Anciens et des Modernes et la conscience historique

La nouvelle science

La controverse des langues

Langue et méthode

Le vraisemblable et le sens commun

Le « cogito » cartésien et l’interrogation vichienne du doute

Logique analytique et logique synthétique
Méthode et logique
L’art de penser de Port Royal
  et la logique cartésienne
L’invention analytique et
  l’invention topique
Démarche pour une logique
  synthétique
La Topique comme logique
  d’invention
La Critique comme logique du
  jugement
La Méthode comme logique
  du discours


Métaphysique et mathématiques


DÉMARCHE POUR UNE PENSÉE CRÉATRICE



BIBLIOGRAPHIE


ntroduite dans la Logique comme quatrième opé­ration de l’esprit, la méthode a joué, en réalité, un rôle bien plus important, car au lieu de suc­céder aux autres opérations, elle les a assumées à un ni­veau différent. Arnauld s’était excusé initiale­ment auprès du lecteur de traiter dans cette quatrième partie de problèmes propres aux trois premières, mais il ne pouvait pas faire différem­ment. Cette quatrième partie a constitué à elle seule une autre logique, transposant les trois fonc­tions du niveau formel au niveau matériel de la recherche de la vé­ri­té. Vico s’était aperçu de son ambivalence, et il dénonça le fait qu’elle vidait les autres opé­ra­tions, alors qu’elle aurait dû les co­ordonner. C’est pourquoi il l’a soumise à une cri­tique serrée.

Avant tout, il lui a dénié la fonction d’invention qu’Arnauld avait considérée comme fondamenta­le. Rappelons que, pour Descartes, l’invention s’était identifiée avec la déduction. Par ce mot, il n’avait entendu que l’enchaînement des intuitions, dans la mesure où elles se succédaient sans solu­tion de continuité au niveau de l’expérience. Pour ne s’en tenir qu’au strict sens étymologique, le mot « déduction » serait impropre, parce que cet enchaînement présente les caractéristiques d’un point en mouvement, plutôt que celles d’un pro­cessus d’inférence.
   Au contraire, dans la Logique d’Arnauld, la dé­duction était un véritable rapport de conséquen­ce a priori sous une double forme : le syllogisme et le sorite. À ce dernier, Arnauld a assimilé la dé­duc­tion cartésienne. Vico s’était trouvé d’accord avec cette identification pour en faire une arme contre le cartésianisme et contre Arnauld lui-mê­me.
   Pour Vico, le sorite est un processus d’argu­men­tation par proximité atteignant des causes par des causes. Il s’articule selon le tracé d’un point en mouvement et non, comme le syllogisme, se­lon la figure du triangle. Aussi n’a-t-il d’efficacité qu’au niveau des mathématiques. Or, puisque cel­les-ci sont synthétiques, Vico implique que le so­ri­te n’est valable que s’il est compris comme syn­thè­se de l’esprit. En effet comment peut-on s’as­surer que la proximité de deux causes est une relation nécessaire si celles-ci ne sont pas réduc­tibles, comme dans le syllogisme, à un terme mo­yen supérieur ? Sur quoi peut-on se fonder pour af­firmer qu’il n’y a pas d’espace entre les deux causes ?
   Il n’y aurait alors que deux possibilités : ou de réduire le sorite à la structure du syllogisme, ou de le comprendre dans le cadre d’une synthèse a priori. Dans le premier cas il ne pourrait pas être, de l’aveu même de Descartes, apte à trouver la vérité ; dans le deuxième, le rapport de proximité coïnciderait avec l’acte créateur de la pensée qui unit les deux causes (45).

À cet égard, Vico ne s’est pas privé de retourner contre la méthode les accusations d’inutilité, de facilité et de danger pour la science qu’Arnauld avait lancées contre l’invention topique.

Lui ayant ôté l’invention, il ne restait à la mé­tho­de que sa fonction analytique. Mais après avoir re­connu que l’analyse est fonction du jugement, Vico a été contraint de lui dénier aussi cette fonc­tion, pour l’attribuer à la critique comme logique de jugement.

Enfin il lui restait le rapport d’inférence d’une vé­ri­té à l’autre, déduisant, comme le dit Vico, « ve­rum de vero ». Mais pour lui, cette fonction fai­sait aussi partie du jugement car elle n’abou­tissait qu’à des affirmations de vérité. Il ne restait ainsi à la méthode que d’être une règle de la « dis­po­si­tion » des jugements dans le discours. Elle n’avait d’autre fonction que didactique (46).

À ce point, il convient de noter que la critique de Vico visait la méthode tout autant que la Logique. Non seulement il a nié que la méthode soit argu­mentation, mais il a refusé de considérer l’argu­mentation comme la troisième opération de l’es­prit, parce qu’elle était pour lui le jugement lui-même. À la place de la troisième opération de la logique formelle, Vico a mis cette opération de « disposition » qui était la quatrième dans la Logi­que d’Arnauld. Mais si l’on se souvient que la « disposition » était la troisième fonction de la lo­gi­que cicéronienne, on constate que, dans toute sa démarche logique, Vico n’a fait que réduire la lo­gi­que formelle à la logique cicéronienne dans le cadre de la critique de la méthode.

Au terme de cette entreprise, je me limiterai à deux remarques au sujet de la méthode et de la logique cicéronienne. À la méthode, Vico n’a re­con­nu qu’une fonction didactique, puisqu’il l’a conçue comme l’art de disposer les jugements en discours. La fonction inventive et critique recon­nue par Descartes, a été confiée à la topique et au jugement qui devinrent les fonctions fondamen­tales de la pensée. Mais pour que la méthode pût exercer cette fonction de « disposition » du dis­cours, il fallait qu’elle puisse régler tous les juge­ments de la pensée, et non seulement ceux pro­pres aux sciences.
   C’est pourquoi la méthode d’Arnauld, fondée de son propre aveu sur le modèle géométrique, ne pouvait pas jouer le rôle de méthode générale. Étant géométrique, elle n’était valable que pour la géométrie ou pour la science, dont la matière pou­vait la supporter. Car si la méthode géométrique revendiquait d’être la quatrième opération de l’es­prit, il fallait affirmer que l’éloquence serait la cin­quième, la poétique la sixième, l’histoire la sep­tième, et ainsi de suite. Toutes les disciplines au­raient pu prétendre à une place, par exemple l’ar­chitecture et la stratégie militaire, puisque toutes relèvent de la pensée (47).

Pour Vico, chaque discipline avait sa propre mé­tho­de, selon la nature de son argumentation. Mais au niveau de la logique, il indiqua deux directions fondamentales représentées, l’une par l’argumen­tation scientifique, dont la géométrie res­tait le mo­dèle, l’autre par l’argumentation de vrai­semblance qu’il attribuait au « sens commun » : deux direc­tions, ouvrant deux champs méthodo­logiques, per­met­tant cependant à chaque discipli­ne d’avoir une approche conforme à sa nature.

Quant à la logique cicéronienne elle s’est affir­mée, dans la reprise vichienne, comme fondatrice de la primauté de la synthèse sur l’analyse. Il apparaîtra peut-être étrange et même amusant de faire remonter au cicéronisme ce caractère syn­thétique de la pensée, que l’histoire de la philo­sophie nous avait habitués à reconnaître comme une création kantienne ! Mais si cette lointaine ori­gine est véridique, comme je le pense, on com­prendra pourquoi Vico, en dépit de Pic de la Mi­ran­dole et d’Érasme et malgré le vide du cicé­ro­nisme, l’a prise pour base de son projet philo­sophique.




Thèse soutenue le 22 juin 1974




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t312870 : 25/09/2017