ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa rupture cartésienne et la naissance
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Le De nostri temporis studiorum ratione (1708)9- Métaphysique et mathématiques |
96- L’intuition mathématique |
Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
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es réflexions sur les fondements des mathématiques se réfèrent à des passages du De antiquissima, œuvre postérieure au De ratione. Dans cette dernière, Vico a affirmé que les mathématiques sont une production de l’ingenium, sans l’approfondir et en se limitant au caractère synthétique de leur méthode. Cette lacune a rendu très difficile la compréhension du chapitre (12). L’exposé sur le fondement des mathématiques confirme que l’enjeu du De ratione portait sur l’opposition entre synthèse et analyse, véritable dialectique à laquelle Vico a ramené la controverse des anciens et des modernes, ainsi que le conflit de l’humanisme et du cartésianisme. Le problème concernant la méthode des mathématiques s’inscrit, lui aussi, dans le cadre de cette dialectique. Dans la méthode synthétique, je citerai un texte tiré du De ratione : « Inventer des choses nouvelles est la prérogative du seul ingenium que maîtrise la géométrie. En effet, chez celui qui l’apprend, elle retient l’emploi de l’ingenium, comme des cavaliers freinent un instant leurs chevaux pour mieux les lancer dans une course plus rapide. Alors elle le maîtrise, lui permettant de parcourir la grande multitude de ses formes, comme dans un regard le sont les éléments d’écriture. Il peut alors choisir parmi les plus aptes à résoudre les problèmes proposés » (13). Convaincu que les mathématiques possédaient le même statut que le langage, Vico a entendu mettre en évidence les caractères opératoires se rapportant à l’écriture. Parce qu’elle est une succession graphique, celle-ci a pu, mieux que la chaîne parlée, offrir à Vico un exemple de l’articulation opératoire des mathématiques. Par le truchement de l’écriture, il a voulu désigner la totalité du langage, assimilant l’opération mathématique au processus de la parole. Mais il convient de tenir compte de la différence de niveau, car la langue s’articule à partir des formes topiques, tandis que les éléments mathématiques relèvent d’une synthèse a priori. Cette méthode synthétique opératoire correspond à ce qu’on a appelé plus récemment l’intuition mathématique, c’est à dire l’opération par laquelle on parvient à des solutions au-delà de la démonstration analytico-déductive. Il faut préciser néanmoins que ce mot d’« intuition » n’a pas le même sens que chez Descartes, pour qui il signifie la vision de l’idée simple, à l’aboutissement de la chaîne déductive, véritable enjeu de la connaissance. Par contre, il désigne ici une connaissance opposée à la déduction comme à l’intuition des natures simples ; il indique un processus de connaissance qui s’appuie sur la composition et non sur la division, sur la synthèse et non sur l’analyse. Sa conception des mathématiques était d’autant plus pertinente qu’elle répondait par avance aux objections contre l’intuitionnisme. Comment connaître par voie d’intuition des vérités qui exigent la démonstration la plus exacte et la plus rigoureuse ? Si l’intuition peut suppléer le processus de démonstration, à quoi la science servira-t-elle ? (15) Toutes ces interrogations impliquent qu’on a déjà opté pour une perspective cartésienne, où la synthèse n’a de place que dans le cadre d’une analyse. Elles cessent cependant d’être pertinentes si l’on tient compte de l’hypothèse contraire que l’analyse n’est concevable que dans un processus de synthèse. Pour cette opération synthétique, Vico s’est plutôt référé à l’application des mathématiques aux divers domaines de l’invention qu’aux mathématiques elles-mêmes. Il a pensé spécialement à Archimède, ainsi qu’aux dernières découvertes de la boussole, des lunettes, du microscope, etc. et à la coupole de Santa Maria del Fiore, œuvre de Brunelleschi. Si les inventeurs devaient attendre les résultats des analyses, ils devraient se heurter à des hypothèses sans nombre pour parvenir à la solution. Ils ressembleraient à la Sibylle de Cumes, qui s’agite dans le temple dans l’attente d’être saisie par le dieu (16). Au contraire, l’inventeur-créateur est à l’image du cavalier qui, connaissant son cheval, le maîtrise et le guide consciemment dans la course. |
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t312960 : 02/10/2017