ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa rupture cartésienne et la naissance
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Le De nostri temporis studiorum ratione (1708)9- Métaphysique et mathématiques |
98- L’ouverture maligne du point |
Profil biographique de Jean-Baptiste Vico
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hacun sait que les géomètres font partir du point la méthode synthétique, et ils progressent ainsi au moyen de postulats vers la contemplation de leurs objets infinis, tirant des lignes sans fin. Si on demandait par quelles raisons cela est vrai et comment ce genre de vérité se transpose de la métaphysique à la géométrie, on ne trouverait rien d’autre que l’ouverture maligne du point. En effet, la géométrie a tiré sa vertu d’extension de la métaphysique... » (22). Il est hors de doute que Vico a tiré le mot « malin » des Méditations de Descartes, dont il était un lecteur assidu. Ce recours aux Méditations dans le problème des mathématiques s’explique parce que ce dernier s’inscrivait dans le cadre des recherches sur le fondement de la vérité. Quand il s’est mis à réfléchir aux mathématiques, il s’est trouvé dans la même situation que Descartes au moment du doute méthodologique. Confrontons les deux citations. Chez Vico, l’esprit se trouve aussi en face d’un vraisemblable qui, en dépit de sa dissolution par l’analyse, lui résiste à cause d’une matière qu’il n’a pas produite. L’esprit se trouve dans une situation tragique. Il réalise que la connaissance des choses ne revient qu’à Dieu, parce qu’il en est le créateur ; l’homme ne peut prétendre qu’à une connaissance topique. L’esprit se révolte alors pour tenter d’anéantir la résistance de la matière et la réduire aux formes de la pensée. Nous remarquerons que cette analyse a une fonction analogue à celle que le doute exerce dans l’expérience cartésienne, car elle vise à renier le monde réel et irréductible à la pensée. De même qu’au terme du doute n’existait plus pour l’esprit de ciel ni de terre, de même au terme de l’analyse l’esprit a renié le monde. Cette opération analytique a donc été suggérée par un esprit malin. Sa malignité apparaît surtout à la fin, par le point, signe d’une matière traversée par la pensée, mais aussi d’une ouverture qui s’offre à l’esprit. Cependant une différence existe entre l’esprit malin cartésien et l’esprit vichien, quant à l’efficacité de leur ruse. Chez Descartes, il disparaît pour céder la place au Dieu trompeur, dès qu’il parvient à libérer la pensée de ses préjugés d’enfance. Chez Vico, la ruse ne s’arrête pas à la folie négatrice de l’analyse, car au moment où le point se charge de la négativité de l’univers, il devient réceptif à l’infinitude de l’être. Ainsi, par le biais de la négation, le point donne à l’homme la possibilité de créer un univers de formes où il peut agir en Dieu (24). Cette affirmation permet de mieux comprendre l’impact de la culture humaniste et baroque dans la pensée vichienne. Dans sa réflexion philosophique, Vico a toujours eu sous les yeux deux images de l’homme : celle de la Renaissance et celle de l’art baroque. Il a pu mesurer la grandeur de la première image surtout grâce à Pic de la Mirandole, guide de ses Discours : l’homme médiateur de l’univers dont l’essence est en liberté d’existence, vivant comme Dieu dans son monde. C’est pourquoi il s’est inspiré de l’autre image de l’homme, que lui offrait la culture baroque : l’homme qui, conscient de son incapacité à atteindre la création des choses, s’élève par des ruptures au-delà du croyable et du possible pour ne vivre que de son acte créateur. Or Vico est parvenu à donner à l’homme un pouvoir de rupture qui lui permet d’exister comme sujet pensant dans un univers qu’il a lui-même créé en se plaçant entre la métaphysique et la physique. Il a su donner une réalité à la ruse cachée dans l’entreprise baroque, qui cherchait à atteindre l’être par le truchement de l’image. L’ouverture maligne du point marque l’aboutissement d’une culture qui se voulait prométhéenne. |
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t312980 : 03/10/2017