Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
- Introduction
- Le fils de Marie
- Le fils de prostitution
- Marie, femme prostituée ?
. « Trouvée enceinte »
. L’adultère
. L’image refoulée
. Raisons théologiques
. Motivations historiques
. Tamar
. Rahab
. Ruth
. Beersheba
. Résumé
. Un texte de Celse
- Les récits sur Marie
- L’enfant sauvé par Yahvé
- Le samaritain
- L’homme sans père
- Le fils de David
- Le fils de Joseph
- Qui est ma mère ?
- La mère de Jésus
- Le père de Jésus
- Résumé
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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L’image refoulée de Marie : motivations historiques
Tamar
Tamar était une cananéenne, que Juda avait donnée pour femme à son fils Er puis, après la mort de celui-ci, à son autre fils, Onan. Ses enfants étant morts en punition de leurs péchés, Juda avait renvoyé Tamar chez son père, en lui promettant de lui donner comme mari son fils Schéla, quand il serait devenu adulte… Mais quand Schéla fut parvenu à l’âge d’homme, Juda ne tint pas sa promesse, car il avait peur que ce troisième fils ne meure comme les deux premiers. Tamar fut donc privée de son droit de lévirat.
Un jour que Juda, son beau-père, passait dans son village, elle en profita pour s’habiller comme une prostituée et coucher avec lui ; avant de le quitter, elle lui demanda un gage. Comme elle devint enceinte, Juda la fit appeler pour la faire brûler, selon la loi coutumière. Tamar montra alors son gage, faisant ainsi savoir publiquement que l’homme avec lequel elle avait couché était Juda lui-même. Celui-ci fut forcé de reconnaître que sa belle-fille était « plus juste que lui » : il ne la condamna pas, même s’il n’eut plus de relation sexuelle avec elle (Gn 38).
Si, sur la base de la relation entre Tamar et Marie que nous présente la généalogie de Matthieu, nous cherchons à établir un parallèle entre les récits concernant ces deux femmes, nous obtenons le tableau suivant...
Les deux schémas présentent des différences, car celui de Tamar est calqué sur le statut du lévirat et celui de Marie sur celui de la naissance virginale, mais malgré ces différences leurs points de rencontre sont surprenants. Leur différence de structure empêche en principe toute tentative d’assimilation de l’un à l’autre, mais il se trouve cependant que le récit de Matthieu est une interprétation christologique d’un fait, par le biais du modèle de la naissance du héros. On peut donc procéder à la mise entre parenthèses de l’interprétation théologique et isoler la trame du fait.
Il convient avant tout de mettre entre parenthèses la virginité de Marie, car il s’agit d’un postulat messianique. Dès lors on peut penser qu’elle était une jeune femme, ou même une veuve. Ensuite il faut éliminer le songe de Joseph qui, comme nous l’avons dit, n’a pour contenu que le kérygme de foi concernant la naissance du Christ. Le quatrième item du schéma étant alors vide, rien ne s’oppose plus à ce que le schéma de Marie soit assimilé à celui de Tamar et même complété par celui-ci, puisqu’il décalque la même trame. Il reste seulement à savoir si la grossesse de Marie peut être expliquée par celle de Tamar.
Lorsque nous avons analysé le comportement de Joseph, nous avons conclu qu’il devient compréhensible – entre autres – si l’on suppose que Marie s’est unie volontairement à un homme pour se faire justice elle-même contre une injustice que lui faisait subir son mari ou son beau-père. C’est le cas de Tamar, qui a voulu satisfaire son droit de rachat en s’unissant à son beau-père, puisque celui-ci refusait de lui donner son troisième fils pour mari.
Marie a pu se comporter de la même façon. En effet le texte suppose que, comme Tamar, elle habitait la maison de son père et était une épouse promise ; de plus, il donne à penser que Joseph, dans sa décision de ne pas la traduire en jugement, a été juste à son égard, comme le fut Juda à l’endroit de Tamar en ne la condamnant pas au feu. De plus, Joseph n’a pas connu Marie, comme Juda n’a plus connu Tamar.
La mise en parallèle de Marie et de Tamar révèle donc un arrière-plan beaucoup plus riche et complexe qu’on aurait pu le penser à première vue. Selon cet arrière-plan, il est légitime de penser que Marie a été une femme révoltée contre le pouvoir des hommes qui faisaient fi de son droit. Dès lors elle a agi en prostituée et en adultère, peut-être même commit-elle aussi un inceste.
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